Le jeûne, arme de lutte contre le cancer ou contre les effets délétères des chimiothérapies ? On aimerait y croire. En réalité, il s’avère surtout dangereux voire contre-productif, selon les études scientifiques disponibles.

Cancer : pourquoi penser au jeûne ?
Depuis quelques années, l’idée que la restriction alimentaire - le jeûne - serait efficace pour lutter contre les cellules cancéreuses et/ou renforcer l’efficacité du traitement ou encore en limiter les effets secondaires est souvent relayée par les médias.
Tout est parti d’un constat : l’une des particularités des cellules cancéreuses est leur renouvellement rapide, d’où des besoins nutritionnels élevés. Un apport constant et régulier en nutriments leur permet donc une croissance optimale. De là à penser que jeûner permet de les « affamer » et donc de lutter contre le cancer, il n’y a qu’un pas que certains n’hésitent pas à franchir. Des études in vitro (sur des cellules en milieu de culture en laboratoire) et précliniques (chez l’animal) suggèrent -avec néanmoins de nombreux bémols et parfois des contradictions- que cela pourrait limiter la croissance tumorale ou même protéger les cellules saines dans un contexte de chimiothérapie.
Néanmoins, il n’est pas scientifiquement correct de généraliser les quelques études disponibles à l’ensemble des cancers ni même de les transposer à l’Homme, explique le Pr Christophe Moinard, de l’Université de Grenoble et du laboratoire de Bioénergétique Fondamentale et Appliquée, INSERM U 1055 : « Pour l’instant, aucune donnée expérimentale prouvant que le jeûne permettrait de lutter contre les cellules tumorales n’a été confirmée chez l’Homme. »
Le jeûne malmène notre système immunitaire
Notre organisme possède un autre type de cellules qui se renouvellent rapidement comme les cellules cancéreuses et qui nécessitent aussi un apport régulier en nutriments : ce sont les cellules immunitaires (lymphocytes, macrophages etc.). C’est pourquoi, l’efficacité de notre système immunitaire à nous défendre, par exemple contre les tumeurs, est largement dépendante de l’apport en nutriments. Jeûner l’affaiblit.
Pr Christophe Moinard : « L’autre paramètre à prendre en compte lorsqu’on envisage le jeûne en cas de cancer est que celui-ci touche principalement la personne âgée (40% des cancers surviennent chez les plus de 75 ans). Faites jeûner une personne âgée et son système immunitaire ne s’en remettra pas ! Après un jeûne, contrairement à une personne plus jeune, la fonction immunitaire n’est pas restaurée chez une personne âgée. Le jeûne s’avère donc contre-productif vis-à-vis du cancer ».