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Dysmorphophobie : quand la laideur, c'est dans la tête !

Mise à jour par Marion Garteiser, journaliste santé le 09/05/2017 - 14h51
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La dysmorphophobie, c’est l’impression d’avoir un corps laid ou hors-normes, et, dans le contexte des troubles alimentaires, un corps qui est, dans l’immense majorité des cas, perçu comme trop gros, au risque de tomber dans l’anorexie-boulimie. C’est pourtant juste une impression : sur la balance, quasi 100% de ces personnes -des femmes pour la plupart- sont dans les normes pondérales, ni en surpoids ni obèses... Comment retrouver un sentiment esthétique de l'image de soi enfin réaliste ?

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Dysmorphophobie : le risque de l'anorexie-boulimie

Entre 1 et 2% des adolescentes et des jeunes femmes souffriraient de dysmorphophobie.

Cette peur d'une dysmorphie corporelle est médicalement identifiée (1). Elle représente une catégorie de personnes qui souffrent d'un trouble de l'apparence allant du doute obsessionnel à la certitude obsédante d'une disgrâce alléguée. Elle peut être, dans les formes les plus graves, associée à une phobie sociale avec un évitement du regard d'autrui voire un vécu dépressif.

La dysmorphophobie peut générer de légers troubles anxieux jusqu’à une psychose, une anorexie-boulimie et une addiction à la chirurgie esthétique. La dimension dysmorphophobique est moins présente chez les hommes : seuls 10% des personnes qui souffrent de troubles alimentaires sont des hommes.

Pour Jean-Michel Huet, psychanalyste et sexologue, spécialiste des troubles alimentaires (Paris) : « Il arrive parfois qu’au tout début de l’apparition de troubles alimentaires, les jeunes filles aient effectivement un ou deux kilos en trop. Mais après avoir maigri de 10 kg, elles s’estimeront toujours trop grosses ! On peut dire que presque toutes les femmes sont légèrement dysmorphophobiques. La faute principalement à l’image de la femme "parfaite" dans les médias! Beaucoup de femmes dysmorphophobiques s’inquiètent par exemple que leur ventre se plisse lorsqu’elles se penchent en avant. Que les femmes dans les magazines soient "Photoshopées" n’est pas un argument qui peut les raisonner ».

Les indices qui orientent vers un diagnostic de dysmorphophobie sont :

  • Une préoccupation quasi permanente de l’apparence physique. Peu importe la taille ou le poids objectifs, la personne n’est jamais assez mince. Un défaut physique (nez, dimensions du sexe pour les hommes) peut aussi générer une obsession démesurée.
  • Le fait que cette préoccupation entraîne une souffrance psychologique plus ou moins importante avec une altération de la vie sociale, professionnelle ou familiale.
  • Un trouble distinct d’autres troubles mentaux dont l’anorexie mentale (avec ses représentations délirantes du corps voire la négation de l’existence de certains organes).

Comment aider une personne dysmorphophobique ?

A partir du moment où il existe une souffrance obsessionnelle, même légère, cela justifie de consulter un spécialiste, ne serait-ce qu’une seule fois. Il faut avant tout que la personne ait envie de guérir de ses troubles alimentaires (dans le cas d’une dysmorphophobie avec troubles de la conduite alimentaire) et accepte une thérapie sur la durée. La plupart du temps il n’y a rien à corriger sur le plan nutritionnel. Ces femmes ont un poids normal et de toutes les façons n’accepteront aucun conseil.

  • Sur le versant psychologique, le médecin doit établir une relation de confiance afin de les amener à parler de croyances qu’elles n’ont jamais avouées tellement elle se sentent honteuses, comme l’impression qu’elles grossissent automatiquement de 1kg après avoir mangé une barre de céréales de 50g. C’est « plus fort qu’elles ». A part dans le cas de la dysmorphophobie psychotique (délirante, sentir qu'on a le corps d'un ange par exemple), il persiste toujours chez ces femmes une petite allusion à la réalité par exemple : « Je sais bien que ça n’est pas vrai/normal , même si  je me sens quand même grosse... ». 
     
  • Comme aucun argument pour leur ouvrir les yeux n’y fera, du moins dans un premier temps, le médecin/psychologue joue sur les perceptions immédiates qu’elles ont d’elles-mêmes à partir de photos, en exploitant les failles de leur raisonnement. Comme par exemple comparer leur corps à la personne située à coté sur la photo, aller même jusqu'à mesurer un tour de taille sur l’image.
  • Le médecin va aussi travailler sur un comportement boulimique ou anorexique installé, parfois engendré par une dysmorphophobie sévère. Le soignant confronte alors la perception de la personne à la réalité et tente de trouver les causes, toujours multiples, des troubles du comportement alimentaire.

 « Quant à l’entourage, son rôle se borne à essayer d'amener la personne qui présente des signes de dysmorphophobie à consulter. La famille ou les amis ne doivent pas chercher à convaincre par le rationnel ou la raison, mais seulement pointer qu'il existe une souffrance et qu’un avis neutre et compétent est nécessaire ».

Initialement publié par Hélène Joubert, journaliste scientifique le 29/12/2015 - 21h23 et mis à jour par Marion Garteiser, journaliste santé le 09/05/2017 - 14h51

(1) Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM V) et dixième classification internationale des troubles mentaux (CIM 10)

D’après un entretien avec Jean Michel Huet, psychologue, psychanalyste et sexologue, spécialiste des troubles alimentaires (Paris), correspondant de divers services hospitaliers spécialisés en Nutrition.

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